Malgré un lancement raté, le 10 septembre 1867, et une fin plutôt triste, le Lady of the Lake a eu une brillante « carrière » sur le lac Memphrémagog entre 1867 et 1915.
Doté d’une coque, d’environ 165 pieds de longueur, faite de fer massif, ce vapeur, qui est muni de 2 roues à aubes, a une capacité de 350 tonneaux et peut accueillir 1 200 personnes. Toutefois, il en aurait déjà transporté 1 400 lors d’une certaine excursion. Son coût est estimé à 60 000 $. Construit par la Barclay and Curle Company Ltd, sur la rivière Clyde à Glasgow, en Écosse, il est mis à l’eau sous le nom de Lake Magog, le 31 janvier 1867, pour en vérifier l’étanchéité et la stabilité. Une fois ces tests complétés et réussis, il est démonté par sections pour être livré à son propriétaire, Sir Hugh Allan et sa Lake Memphremagog Navigation Company. Il arrive par transatlantique, sur le George, appartenant aussi à Sir Hugh Allan, magnat du transport maritime et ferroviaire.
Les auteurs ne s’entendent pas sur la suite de son voyage. Pour certains, il est arrivé par bateau à Portland, Maine, mais pour d’autres c’est à Montréal que le George aurait accosté. Quoi qu’il en soit, le Lady of the Lake a parcouru sa seconde étape par chemin de fer, soit de Portland à Sherbrooke par le Grand Tronc ou de Montréal à Waterloo, à bord du Stanstead Shefford and Chambly Railroad. La dernière étape a été effectuée par chariots tirés, soit par des chevaux ou par des bœufs, jusqu’à Magog. Un article du Pionnier de Sherbrooke, (27 septembre 1867, p. 2), laisse croire que Montréal a été le port d’entrée du bateau, d’autant plus que la famille Allan était établie à cet endroit.
La reconstruction du Lady of the Lake, sur un berceau sur rails, commence à la fin mars 1867, à proximité de l’actuelle station de pompage de la ville de Magog, rue Merry Sud. L’assemblage est complété par des travailleurs venus d’Écosse, et le 10 septembre 1867, tout est en place pour la mise à l’eau, dont le Pionnier fait le récit sous le titre de « Une mise à l’eau qui n’en est pas une ». En effet, à 14 h. les blocs de retenue sont retirés, le bateau avance sur les rails, l’équivalent de sa longueur jusque dans l’eau, et s’arrête subitement sur son fond. La foule nombreuse, venue de Montréal, du nord des États-Unis et des environs de Magog, attend avec impatience le moment du lancement. Mais quelle déception, tant pour ses propriétaires que pour les spectateurs, lorsque le Lady s’immobilise! Tous les efforts pour le dégager sont vains. Il semble s’agir d’une erreur de calcul du poids, avec les 2 bouilloires ajoutées, et de la profondeur de l’eau qui a été surestimée ou qui a diminué. L’on craint devoir attendre au printemps pour recommencer, mais le 24 septembre suivant, les conditions étant favorables, le Lady of the Lake est dégagé avec succès. Il entreprend son premier voyage en direction de Newport, deux jours plus tard.
Le petit nouveau a fière allure! Le pont supérieur est muni d’un grand salon meublé avec soin et bon goût, offrant une vue splendide sur le lac et le paysage. La promenade est très populaire par belle température. Le pont principal est pourvu d’un salon pour les dames, une grande pièce bien meublée. La cale, d’une hauteur de 8 pieds, contenant les cuisines, peut être transformée en salle à manger pour une cinquantaine de personnes à la fois.
Le Lady, essentiellement un bateau de plaisance, effectue la croisière Magog-Newport. L’aller seul dure environ deux heures et trente minutes, le bateau circulant à une vitesse d’environ quinze nœuds. La saison des croisières débute vers le premier juillet pour se terminer en septembre. Selon un article et une carte du lac publiés dans le Sherbrooke Daily Record (5 janvier 1907), le trajet est le suivant : De Magog à Knowlton’ Landing, puis à Georgeville. De là, le Lady of the Lake arrête au domaine Belmere de Sir Hugh Allan et retraverse à Perkins Landing. Il revient à l’île Molson, propriété d’Alexander Molson, et ensuite au Mountain House, au pied d’Owl’s Head. Il file ensuite vers Newport. Selon les besoins, il fait d’autres escales notamment à l’Hermitage, à Bayview Park (Pointe Magoon), etc.
Le Lady of the Lake a sillonné le lac Memphrémagog pendant près de 50 ans. Il a eu deux compétiteurs : le Mountain Maid, de 1867 à 1892, et l’Anthemis, de 1909 à 1915. Selon Colin C. MacPherson qui l’a démantelé, il a fait son dernier voyage en 1915, et a été remorqué de Newport à Magog à l’automne 1916. C’est à l’hiver 1916-1917 qu’il a été mis à la ferraille. La légende voudrait que certaines pièces de ce bateau aient servi à produire des armes ou des munitions utilisées lors de la célèbre bataille de Vimy, en avril 1917.
Maurice Langlois