Natif d’un « petit village » des Cantons-de-l’Est, M. Arthur W. Ling (1889-1966) fit carrière toute sa vie durant, dans le domaine bancaire. Après des séjours d’initiation (en 1907) à la Banque Molson de Victoriaville, puis à celle du Canal Lachine, il fut transféré à la succursale de Chicoutimi de cette banque en 1908, puis à Sainte-Thérèse en 1912. Peu après son mariage en 1915, il entre à l’emploi de la Banque Molson de Waterloo à titre de teneur de livres : dispensé par la banque de s’enrôler dans l’Armée, c’est à cette époque qu’il commence à s’intéresser (selon ses propres termes) plus « sérieusement » à sa carrière de banquier, poursuivant des études en Affaires bancaires avec l’Université Queen’s de Kingston, puis en Économie et Finances avec l’Institut Alexander Hamilton de New York; quelques années plus tard, il se voyait accorder un prix d’excellence de l’Association bancaire canadienne (Canadian Bankers’ Association). Au terme de quatre années à Waterloo, il se vit nommer gérant de la Banque à Saint-Ours-sur-Richelieu, puis à Trois-Pistoles en 1923. Peu après (1925), la Banque Molson fut incorporée à la Banque de Montréal, et Arthur W. Ling poursuivit à titre de gérant pour la nouvelle banque à Trois-Pistoles durant trois années supplémentaires.

Rue Main Abbott

Banque de Montréal, Magog (détail)C’est alors, vers 1928, qu’Arthur Ling fut muté à Magog, en tant que gérant de la Banque de Montréal locale, qui y opérait à perte depuis 14 ans : M. Ling releva le défi de mieux positionner la Banque dans le marché magogois, en optant pour une stratégie de « good will », qui l’amena à s’impliquer à fond dans le développement de la communauté. C’est à ce titre qu’il contribua à fonder la Chambre de Commerce de Magog, dont il fut longtemps l’un des dirigeants; il mit également sur pied une agence de développement industriel, puis un bureau de tourisme, tout en s’impliquant dans divers clubs sociaux. Lors du Centenaire de la Paroisse Saint-Patrice, en 1936, il publia en collaboration avec sa fille Patricia, une histoire de cette paroisse et de la ville depuis ses origines.

Lac Orford Ling

Golf Ling

Durant les années 1930, Arthur Ling allait également avoir un impact décisif sur l’avènement du Parc Provincial du Mont Orford, en amenant les chambres de commerce et les dignitaires de toute la région à soutenir les efforts du Dr. George Bowen pour la création du parc. IL fut par la suite l’un des principaux instigateurs du Club de Golf du Mont Orford, puis du Club de Ski du Mont Orford, dont il fut le premier président. C’est ainsi, durant son séjour de 14 années à Magog, que M. Arthur Ling apporta une contribution décisive au développement de la Ville et de la région tout entière. En 1941, la Banque de Montréal devait le transférer, avec toute sa famille – plutôt réfractaire à quitter Magog –, pour diriger une importante succursale de la banque à Montréal, au coin des rues Saint-Laurent et Laurier. Il parvint aussi à rentabiliser cette succursale, en triplant son personnel et ses profits, avant de prendre sa retraite en 1951, après quoi il oeuvra comme administrateur pour les cités d’Outremont et de Mont-Royal. Grand amateur de golf et de sculpture sur bois, Arthur W. Ling laissa une empreinte profonde sur plusieurs villes et organisations, en particulier à Magog. Il décéda en novembre 1966, quelque peu déçu de n’avoir pas pu survivre jusqu’à l’ouverture prochaine du Métro de Montréal.

Hermitage Ling

Le Fonds Arthur W. Ling qui fut offert à la SHM par M. Michel Tanguay, comprend plusieurs brochures d’époque (dont sa propre monographie sur la « Paroisse Saint-Patrice – Magog 1886-1936 – Souvenirs historiques » et quelques autres, des items concernant le « Mount Orford Golf and Country Club », ainsi qu’une copie d’un document autobiographique adressé au siège social de la Banque de Montréal : il y relate les grandes étapes de sa carrière bancaire et communautaire. Pour compléter le tout, le fonds Ling comprend une quarantaine de photographies et de cartes postales d’époque – dont 16 photographies de qualité exceptionnelle (noir et blanc, grand format) réalisées par George A. W. Abbott. Curieusement, une seule de ces photos de George Abbott vient dupliquer une photographie que nous avions déjà dans le fonds personnel du photographe.

Pierre Rastoul, Société d’histoire de Magog

Il y a 75 ans, Jean Chalifoux (1913-2006), jeune diplômé de l’École Technique de Montréal (École du Meuble), débarquait à Magog pour y fonder une École d’arts et métiers. En 1938, dans le cadre d’un « Service de l’Aide à la jeunesse », le docteur Albert Guertin lançait l’idée d’une telle école et, à cette fin, il obtenait un octroi de 500 $ de la Ville de Magog, qui permettait le recrutement du professeur Chalifoux.

Jean Chalifoux arrive à la gare de Magog le 4 janvier 1939, où il est accueilli par le docteur Guertin, représentant des Chevaliers de Carillon, les grands responsables de cette initiative. L’ouverture officielle a lieu le 15 janvier et 107 élèves ont donné leurs noms pour suivre les cours qui se tiennent au collège St-Patrice des frères du Sacré-Coeur. Il s’agit de cours de dessin, de mathématiques, de menuiserie, notamment l’ébénisterie, dispensés gratuitement de jour et de soir. M. John Peters, membre de la direction, s’engage à fournir à l’école le bois nécessaire à ses opérations. Les cours vont bon train et l’école tient sa première exposition le 15 juin 1941.

Jean Chalifoux, homme dévoué et honnête, s’implante dans sa nouvelle communauté, où son épouse Yvonne Tremblay et lui ont deux enfants, Claire et Jacques. Il a fait fonctionner l’école jusqu’en juin 1961. Les locaux mis à la disposition de l’école d’arts et métiers doivent être sacrifiés pour la construction du nouveau Pavillon des Loisirs. Jean Chalifoux va enseigner à Cowansville et Waterloo et travaille comme menuisier. Grâce à lui, le germe d’une École des métiers permanente est semé et portera fruit.

Classe École métiers

Une seconde école

En 1957, une vaste campagne de souscription est lancée pour la construction d’un hôpital laïc, l’Hôpital de Magog inc. La construction, débute sur la rue Percy en octobre 1957, mais elle est arrêtée en décembre 1958 faute de fonds. La propriété est mise en vente pour permettre le remboursement des sommes souscrites, dont les ouvriers ont grandement besoin au lendemain d’une grève de plusieurs mois dans le textile.

Magog réclame à grands cris une École des métiers pour accueillir un plus grand nombre d’élèves et répondre à la demande. Le moment est favorable au projet, car des élections provinciales sont annoncées pour juin 1960, et les deux candidats en lice promettent une École des métiers. Le candidat libéral Georges Vaillancourt est élu. Le gouvernement se porte acquéreur du terrain et des fondations de l’hôpital, puis rembourse les souscripteurs.

École des métiers

Le projet d’une école de métiers est accepté et, en mars 1962, la firme Yvon Giguère inc. obtient le contrat. La construction est terminée pour septembre 1963. L’ouverture officielle, sous la présidence de Paul Trottier,   a lieu le 9 septembre 1963, soit il y a 50 ans. Quelque 50 élèves se sont qualifiés aux examens exigés par le ministère de la Jeunesse, et l’objectif est d’y admettre l’année suivante une centaine d’élèves. Six professeurs y enseignent : électricité, plomberie-chauffage, mécanique automobile et appareils domestiques. On y donne aussi des cours du soir afin de rejoindre les travailleurs et apprentis de toutes catégories, contremaîtres, commis et vendeurs. Dès la deuxième année, les inscriptions ne sont pas à la hauteur des attentes des dirigeants. Afin d’augmenter sa clientèle, l’école offrira des cours de dessin industriel, lecture de plans, ferblanterie, débosselage et peinture.

En 1967, le Centre d’apprentissage 24 juin ouvre ses portes à Sherbrooke, ce qui n’aide pas la cause de l’école de Magog. En 1974, c’est au tour de La Ruche d’accueillir les jeunes du secondaire, mais l’École des métiers continue ses opérations. En 1986, une centaine d’élèves inscrits à La Ruche en équipement motorisé doivent se déplacer sur la rue Percy pour assister aux cours. Pour des raisons économiques, un agrandissement de 5 500 pi2 est réalisé à La Ruche pour des ateliers et un bureau pour les professeurs. En 1987, l’école de la rue Percy, ainsi libérée, est rénovée et recyclée en centre administratif pour la Commission scolaire de Magog,

Maurice Langlois, Société d’histoire de Magog

Municipalité de Saint-Étienne-de-Bolton (1939-2014)

La paroisse

Le canton de Bolton, le plus grand des Cantons-de-l’Est, concédé à Nicholas Austin et ses 53 associés en 1797, a été le sujet de plusieurs démembrements donnant naissance à six municipalités distinctes : Magog (1849), Bolton-Ouest et Bolton-Est (1876), Eastman (1888), Austin (1938), St-Benoît-du-Lac (mars 1939) et finalement St-Étienne-de-Bolton en mai 1939.

Église St-ÉtienneIl ne faut pas confondre la paroisse St-Étienne-de-Bolton avec la municipalité du même nom. À la suite des troubles de 1837-38, un certain nombre de familles canadiennes-françaises catholiques (Vincent, Desautels, Laramée, Laporte et Decelles) de la vallée du Richelieu se déplacent vers l’est pour s’installer dans la partie nord-ouest du canton de Bolton. De 1842 à 1872, plusieurs prêtres-missionnaires viennent desservir la mission de St-Étienne-de-Bolton. Celle-ci dessert les territoires des futures paroisses d’Eastman, de Ste-Anne-de-Stukely, de Knowlton, de Mansonville de South Bolton, de St-Austin et de St-Benoît-du-Lac. On assiste alors à la création d’un noyau francophone et catholique dans un fief à très forte majorité anglophone et protestant.

À cette époque, une chapelle et une école sont construites. La paroisse, fondée en 1851, sera érigée canoniquement le 7 mars 1872, mais les registres  paroissiaux  débutent dès 1851. Ce lieu a déjà été connu sous le nom de French Church.  Le bureau de poste, ouvert en 1867, porte le nom de Grass Pond Post Office, avant de prendre celui de St-Étienne-de-Bolton, le 1er juillet 1872.

La municipalité

La requête demandant l’érection de St-Étienne-de-Bolton en municipalité est datée du 22 septembre 1938. Le territoire concerné dans la requête comprend la  partie nord des rangs V, VI et VII, et une certaine partie du rang VIII de Bolton-Est. La pétition  est signée par 74 propriétaires de biens-fondés situés dans les limites de Bolton-Est. Parmi ces signataires, à très forte majorité francophone, il y a 7 Desautels et 4 Berger.

Les requérants attestent qu’ils représentent plus de la moitié des payeurs de taxes du territoire désirant se séparer.  Il est certifié que la nouvelle municipalité comprendra, tel qu’exigé par la loi, plus de 300 habitants et qu’il restera plus de 300  âmes dans la municipalité de Bolton-Est, après que le territoire composant la Municipalité projetée en aura été détaché. La raison alléguée pour cette séparation est que ses intérêts seraient mieux servis au point de vue municipal si elle formait une municipalité distincte, mais l’aspect socio-culturel y a sans doute joué un certain rôle.

Le 19 avril 1939, l’honorable J. Bilodeau, ministre des Affaires municipales, de l’Industrie et du Commerce, recommande donc au Lieutenant-gouverneur en conseil  l’érection de cette nouvelle municipalité à la prochaine réunion du Cabinet des ministres. La proclamation parue à cet effet est publiée dans la Gazette officielle du Québec, le 27 mai 1939, telle érection devant prendre effet à la date de cette publication.

La date de l’élection d’un maire et de 6 conseillers est fixée au 21 juin 1939. Ce premier conseil se réunit le 3 juillet 1939, Il est composé de: Oscar Desautels, maire et six conseillers : L. N. Arthur, Joseph Loiselle, Wilfred Berger, Édouard Leduc, Azarie St-Pierre et Théodore Laramée. Une nouvelle municipalité vient de naître.

Certaines activités sont en préparation pour souligner cet événement dont les détails paraîtront dans un prochain bulletin de la municipalité.

Maurice Langlois, Société d’histoire de Magog

Si vous ne connaissez pas Shanks, Québec, prenez la rue St-Patrice E. (chemin de la Rivière) en direction du secteur Venise. Trois kilomètres après la jonction de l’autoroute 55, vous apercevrez sur votre droite, le long de la voie ferrée, un panneau de signalisation ferroviaire indiquant que vous arrivez à Shanks. Sur la gauche, vous verrez successivement la chapelle Notre-Dame du Divin-Amour, le Cep d’Argent puis le club de golf Venise.

Débarcadère du Canadien Pacifique

Le hameau de Shanks apparaît au Official Guide of the Railways of the United States, Porto Rico, Canada, Mexico and Cuba, publié à New York en 1943, sous l’appellation de Shanks Quebec. Il est également inscrit sur les cartes topographiques de la région. Situé tout autour de la voie ferrée du Canadien Pacifique, sur la rive ouest du lac Magog, le hameau était assez important pour que la compagnie ferroviaire (CPR) y aménage une voie d’évitement et un débarcadère entre la rue Sorel et la rue Mgr Vel, le long de la rue des Riverains. Cette voie secondaire existe toujours. Pendant la période estivale, les villégiateurs en provenance de la région de Montréal y débarquaient en grand nombre.

ShankMontage

Selon le géographe et historien Jean-Marie Dubois de l’Université de Sherbrooke, qui m’a sensibilisé à cette curiosité, le nom serait apparu entre 1934 et 1944. Il fut ensuite appliqué au hameau qui s’est constitué entre les années 1940 et 1960, entre le golf de Venise et la pointe Lagueux (Gérard Lagueux, 1919-2001), sur le lac Magog.

L’origine du nom n’est pas certaine, mais selon le professeur Dubois, il rappellerait la mémoire de la famille d’Ovide Shanks qui aurait habité ce secteur. De plus, William, un fils d’Ovide, était mécanicien de locomotive. Coïncidence?

Desserte de Notre-Dame-du-Divin-Amour

Le 8 mai 1950, une requête, demandant la fondation d’une mission, est signée par les résidents du secteur Venise et adressée à Mgr Desranleau. Ce dernier accepte la demande et la future desserte dépendra de la paroisse Ste-Marguerite-Marie de Magog. La première messe est célébrée par le curé Vel, le 2 juillet 1950, dans un vieux garage aménagé à cette fin. Deux-cent-sept (207) personnes y assistent, et pour satisfaire la demande, l ‘officiant doit obtenir l’autorisation de célébrer deux messes (biner). Une chapelle, construite l’année suivante, est bénite le 19 août 1951 et dédiée à Notre-Dame-du-Divin-Amour. Cette desserte, fondée pour accommoder d’abord les résidents de Venise, est également fréquentée par les villégiateurs de Shanks. La desserte a dû cesser ses activités en 1999.

Les seuls vestiges tangibles de Shanks sont le panneau de la voie ferrée, et la voie d’évitement du débarcadère. En 1968, la Commission de toponymie du Québec avait déjà officialisé le nom de Shanks pour désigner le hameau. Plus récemment, le 5 décembre 2013, suite aux efforts de M. Jean-Marie Dubois, la Commission vient d’officialiser le nom de Shanks pour désigner le ruisseau de plus d’un kilomètre qui draine une partie du chemin de Venise pour finalement se jeter dans le lac Magog.

Maurice Langlois, Société d’histoire de Magog

Janvier 2014

Au service de sa clientèle depuis plus de 65 ans

Il est pour le moins étonnant qu’un commerce familial, mis sur pied il y a plus de 65 ans, ait réussi à survivre à une compétition féroce de la part des grandes surfaces. J’ai eu le plaisir de rencontrer dans son bureau Rosaire Roy, un homme d’affaires de 90 ans qui a réussi l’exploit.   L’homme est humble, discret et n’aime pas être sous les réflecteurs et que l’on parle de lui. Il est honnête, généreux, et il n’a rien perdu de son humour qui l’a toujours caractérisé. Il a la répartie facile, demeure très actif et fréquente encore deux fois par jour le commerce qu’il a mis sur pied il y a bientôt 66 ans.

Rosaire Roy est né à Ascot Corner le 5 février 1923, de l’union de Louis Alphée (Nelpha) Roy et de Laura Faucher. Il est le 3e d’une famille de 7 enfants, dont une fille décédée en jeune âge. Alors qu’il est encore enfant, son père, qui est chef de gare à Ascot Corner, est muté à Beaulac-Garthby, où Rosaire passe son enfance et son adolescence.

Une fois sa scolarité complétée, Rosaire occupe plusieurs emplois : il travaille dans un magasin général, un moulin à scie et dans un garage. C’est au cours de ce dernier emploi qu’il décide d’entreprendre des études en électricité et en réparation d’appareils radio. En 1945, il s’inscrit au Canadian School of Electricity, à Montréal. De plus, il s’inscrit à des cours en radio chez un professeur de l’Université de Montréal maintenant à la retraite. À Garthby, le 29 avril 1946, il épouse Rita Lafrance, et ils retournent vivre à Montréal afin que Rosaire termine ses études.

En septembre 1947, muni de son brevet en électricité, Rosaire Roy s’installe à Magog au 209, rue St-Patrice Est, à l’est de la voie ferrée du Canadien Pacifique, sous la raison sociale de Roy Radio Service. On le prévient qu’il y a une quinzaine de compétiteurs dans ce domaine à Magog, mais la compétition ne l’effraie pas. Il se limite à la réparation et ne s’implique pas dans la vente d’appareils radio. Le couple élève 3 enfants: France, Daniel et Ghislain.

Roy Radio TVRoy Radio Services, en 1948

En 1953, quand la télévision fait son apparition à Magog, Rosaire décide de parfaire ses études dans ce domaine. À cette fin, il se rend à Montréal tous les mardis pour y suivre des cours. En 1954, il quitte le local de la rue St-Patrice Est et emménage sur la rue Principale Ouest pour une brève période, face au commerce d’Ovila Pomerleau, dans un immeuble qui sera plus tard détruit par un incendie et jamais reconstruit.

L’année suivante, il se relocalise au 335, rue Sherbrooke, à l’emplacement aujourd’hui occupé par le centre d’achat IGA-Jean Coutu. L’installation d’antennes de télévision occupe maintenant une importante partie de son temps. Alors qu’il a toujours été locataire, il estime que le moment d’acheter est arrivé. En 1973, il se porte acquéreur du 744, rue Principale Ouest, site antérieur d’un Canadian Tire.

Il y a donc 40 ans que Roy Radio TV est au service de sa clientèle à cette même enseigne. Quand on lui demande quelle a été la recette de cette réussite, Rosaire Roy répond sans hésiter, « le service à la clientèle et la qualité de mes employés ». En effet, son beau-frère, Armand Gaudreau, y a oeuvré pendant plus de 50 ans, et Claude, le fils de ce dernier, a quelque 35 ans de service. Et finalement, son fils Ghislain, à qui il a transmis la direction du commerce il y a plusieurs années, poursuit dans la tradition de cette entreprise familiale.

Maurice Langlois, Société d’histoire de Magog

Les années 1960 et 1970 ont été propices aux longues carrières politiques. Jean Drapeau régnait en maître à Montréal et Maurice Théroux était réélu à plusieurs reprises à Magog. Le Canton de Magog n’a pas été en reste. De 1957 à 1975, le maire Edgar Bournival a en effet été la figure de proue de l’administration municipale. Au cours de cette période, celui-ci s’est vu accorder pas moins de neuf mandats consécutifs par ses électeurs ! Tenant compte du fait que les mandats duraient deux ans à l’époque, contre quatre aujourd’hui, il s’agit d’un record pour un maire qui ne sera probablement jamais battu.

AE.Bournival-C003-51-1 - copie

Edgar Bournival voit le jour à Saint-Barnabé Nord –près de Saint-Hyacinthe- , le 12 août 1907. Arrivé à Magog, il travaille, comme la majorité de ses concitoyens, dans les usines de la Dominion Textile. Au fil des ans, il occupe différents postes, notamment ceux de journalier, de mécanicien et de contremaître. Dans leur domicile de la rue Stanley, lui et son épouse, Marie-Jeanne Lampron, fondent une famille qui compte trois enfants : Claude, Fleurette et Claudette.

Son intérêt pour la politique amène Bournival à poser sa candidature en janvier 1946 comme conseiller du quartier 5. Les électeurs de ce secteur ouvrier lui expriment leur confiance en l’élisant par acclamation. Deux ans plus, ils récidivent en le réélisant sans opposition.

En 1950, Edgar Bournival se considère prêt à briguer la mairie. Toutefois, trois «grosses pointures» de la politique locale sont aussi sur les rangs, soit Ernest Simard, Colin C. MacPherson ainsi que le maire sortant, Maurice Théroux. Nettement défait, il tente de réintégrer le conseil en 1953 et 1956. Mais cette fois, c’est sans succès.

Une carrière politique qui semble un moment compromise, va connaître un nouveau rebondissement l’année suivante. Propriétaire d’un chalet et de terrains dans le Canton de Magog, -secteur Venise- , Bournival décide de poser sa candidature à la mairie du canton. Comme ce fut le cas pour ses deux prédécesseurs, Hazen C. Bryant et Armand Provencher, personne ne décide de se présenter contre lui. Vainqueur par acclamation, Edgar Bournival entreprend, le 10 juillet 1957, un passage prolongé à la mairie du Canton de Magog qui durera jusqu’en 1975.

Au cours de ces 18 années, le territoire change considérablement. La population aussi. Entre 1956 et 1971, celle-ci passe de 1229 à 3147 habitants. Il s’agit d’une croissance de 156% contre environ 7% à Magog pour la même période. Du nombre, on compte encore plusieurs habitants saisonniers qui possèdent des chalets. C’est le cas de Bournival lui-même. Mais le pourcentage de gens qui travaillent dans la région et ont leur domicile permanent dans le canton est aussi en progression.

Pour répondre à ces besoins à la hausse, Edgar Bournival ne ménage pas les heures. Après son travail de nuit comme contremaître dans la salle des métiers à tisser, il s’assure de vaquer tous les jours à ses occupations de maire. Malgré la rétribution plutôt symbolique qu’il reçoit à l’époque pour ses services, il se tient au fait de chaque dossier, parcourant avec assiduité les chemins du canton qu’il connaît comme le fond de sa poche. Politicien au sens aiguisé, il ne néglige pas non plus de faire un brin de jasette à ses électeurs.

Ceux qui l’ont connu se souviennent bien du maire Bournival. Homme de petite stature qu’un journaliste décrit comme «ayant toujours le sourire au coin des lèvres», le premier magistrat est un personnage énergique dont la passion pour la chose publique semble intarissable. Sa gestion prudente semble répondre aux attentes de ses concitoyens puisqu’il sera toujours réélu sans opposition, sauf en 1961 alors qu’il remporte une victoire facile contre Edward Bonn.

C’est sous Edgar Bournival qu’au début des années 1970 le Canton de Magog fait l’acquisition de l’ancienne école François-Hertel qui devient son premier hôtel de ville. Le bâtiment, toujours existant, abritera bientôt les policiers de la ville de Magog unifiée.

Miné par des problèmes de santé, Edgar Bournival annonce son retrait de la vie politique en 1975. Il décède le 22 décembre 1976.

Serge Gaudreau

Tant à Magog qu’ailleurs en province, le secteur industriel vit des heures difficiles. Coupures de personnel, déménagements, fermetures : ces nouvelles nourrissent un climat d’instabilité qui suscite des inquiétudes. Chez certains, la situation éveille même la nostalgie pour cette période révolue où le secteur manufacturier, jadis tout-puissant, supportait l’économie locale sur ses épaules.

 La Dominion Textile en 1914. Déjà à cette époque, elle engageait des centaines de Magogois. Fonds studios RC. La Société d'histoire de Magog

La Dominion Textile en 1914. Déjà à cette époque, elle engageait des centaines de Magogois. Fonds studios RC. La Société d’histoire de Magog

Pourtant, ce portrait avait aussi des teintes de gris. D’ailleurs, à la lecture d’une «Monographie de la ville de Magog» écrite il y a 60 ans, en mars 1948, on pourrait même être tenté de reprendre le vieil adage : «Quand on se regarde, on se désole, quand on se compare, on se console». L’auteur du document, Marcel Savard des Hautes Études commerciales de Montréal, brosse en effet un panorama de l’économie de l’après-guerre qui met en relief des lacunes évidentes.

Évidemment, la domination de la Dominion Textile (DT) est alors incontestée. Ses 2000 emplois, combinés aux 188 de sa filiale, l’Industrial Specialty (Bobbin Shop), constituent 90% de la main-d’œuvre industrielle locale. Dans leur ombre, il y a bien la Fonderie de Magog, la L & L Textile (tissage de la soie), Millette & frères (jouets), Magog Excelsior Pad (coussins), Bombardier & frères (meubles) et Lucien Lavigne (boissons gazeuses). Mais collectivement, ces industries ne génèrent qu’une centaine d’emplois, total peu impressionnant auquel se greffe la quarantaine de jobs qui proviennent des fabricants de portes et châssis (Colin C. MacPherson, Théo Langlois, Didace Audet, Nérée-Honoré Grenier).

Hors du textile donc, l’emploi est rare. Et selon Savard, le commerce est une bien faible alternative au secteur manufacturier. En tout, Magog compterait 122 établissements qui, en excluant les propriétaires, donneraient du travail à 176 personnes. La palette est diversifiée –alimentation, vêtements, vente au détail, etc.- , mais il n’y a pas de quoi pavoiser si l’on considère que Magog compte environ 10 000 habitants et que les salaires dans le commerce, en moyenne 752 $ par personne annuellement, sont même inférieurs à ceux du textile.

La diversification de l’économie est donc un enjeu pressant dont tous sont conscients. Le hic, c’est que le vétuste système d’électricité municipal peine à desservir la demande. Cette lacune devient un obstacle incontournable lorsqu’un industriel manifeste le désir de s’établir à Magog. Les élus peineront encore pendant quelques années avant d’y apporter une solution durable.

Cela dit, tout n’est pas négatif. Entre 1946 et 1949, la DT investit plusieurs millions dans la modernisation de sa filature. La nouvelle est rassurante. Elle met cependant en évidence une réalité qui n’échappe pas aux ouvriers : les nouvelles technologies permettent de produire davantage, à moindre coût, sans pour autant augmenter la main-d’œuvre.

Cette modernisation est pourtant indispensable. La menace posée par les pays à faibles coûts de production (Japon, Malaisie, etc.) sème en effet l’inquiétude au sein de l’industrie textile. Dans leur organe, «Les moulins des Cantons de l’Est», les dirigeants de la DT supplient les gouvernements d’arrêter le flot des importations asiatiques. Les accords du GATT –l’ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce- leur font même dire que le jour n’est pas loin où le textile canadien périra étouffé sous cette concurrence.

Cette prophétie prendra un certain temps à se matérialiser. Mais elle est révélatrice des angoisses du moment, angoisses qui contrastent quelque peu avec l’image sereine que nous avons du Magog de l’après-guerre. Système d’électricité inadéquat, monopole industriel de la DT, ossature commerciale fragile, menace des importations étrangères : ces problèmes ont dû faire dire à plusieurs de nos ancêtres qu’il n’était pas facile de vivre en 1948 et que l’avenir ne s’annonçait guère plus enthousiasmant.

Ce vieux refrain n’est pas sans nous rappeler que nous tendons souvent à oublier nos appréhensions avec le temps et à ne retenir du passé que les souvenirs qui nous réconfortent. Les années 1940, c’était ça le bon vieux temps ? Peut-être. Mais ne nous y méprenons pas : lorsque ses moments sombres se seront eux aussi évanouis -du moins espérons-le!- , on dira sans doute la même chose de ce début de XXIe siècle.

Serge Gaudreau

Dans le cadre de l’harmonisation des noms de rues de la ville de Magog, le comité de toponymie a suggéré, et la Ville a accepté, de désigner la portion nord de la rue Martin (à partir de la rue Bellevue), du nom de Sloan ou de Barney Sloan. Or, qui était ce monsieur Sloan, et pourquoi nommer une rue pour rappeler son passage à Magog? Barney Sloan est né le 12 octobre 1875, sur une ferme à Berkshire Town, dans le nord du Vermont, près de Richford. Son père, venu d’Irlande en 1871, a épousé Margaret McNeil, au Vermont. Barney était le 4e d’une famille d’au moins 8 enfants. Dès l’adolescence, il travaille comme commis dans un hôtel local au Vermont. En 1892, à l’âge de 17 ans, il émigre au Québec, devient successivement gérant du « Lakeview House » à Knowlton, puis du célèbre « Brooks’ House » de Waterloo, propriété de L.G. Green. À la veille de son départ de Waterloo en 1905, pour venir à Magog, les notables de l’endroit et ses amis organisent un banquet en son honneur. Après les allocutions d’usage, ils lui offrent une bague à diamants et une plaque souvenir signée par chacun et précieusement conservée par ses descendants. C’est à regret qu’on le voit quitter Waterloo.

De haut en bas: L’hôtel Battles House dans ses transformations successives – vers 1890, 1910 et 1925. (Photos anonymes / en bas: Photo George A. W. Abbott, coll. SHM)

Battles House, vers 1890Battles House, vers 1910Battles House, vers 1925

En 1905, Green et Barney Sloan se portent acquéreurs du Battle’s House (site de l’actuel MacDonald’s). En 1906, il épouse Nellie Goodspeed avec qui il a une fille, Evelyn, qui deviendra la femme de Cecil Gaunt. En 1920, Sloan achète la participation de Green et devient seul propriétaire de l’établissement. Le Battle’s House ne fait pas qu’héberger les voyageurs de passage; certains clients y séjournent pour une période de temps prolongée. Ainsi, au moment de son arrivée à Magog en 1888, le Dr. Henri Béique y reçoit ses patients (« à toute heure ») en attendant de s’installer définitivement sur la rue Principale. Au recensement de 1911, plus de 25 personnes y demeurent, dont le notaire Hector Jasmin ainsi que de jeunes couples avec enfants. Barney Sloan exploite cet hôtel pendant un quart de siècle, alors qu’il le vend à Adélard Goyette, en 1930.

Battles House, vers 1925, près du pont Merry

Le Battles House vers 1925, montrant la proximité du pont de la rue Merry. (Coll. SHM)

Après avoir habité l’hôtel pendant plusieurs années avec sa femme et leur fille, il acquiert une propriété sur la rue Bellevue. La famille Sloan habite la maison, devenue le gîte « À Tout Venant ». Cette portion de la rue Martin est ouverte entièrement sur son ancienne propriété. Sa grange, qui existe toujours, est située à l’extrémité de la rue Martin, sur la droite. C’est Barney Sloan qui a fait la réputation de ce grand hôtel qui avait une salle à manger digne de mention. Il était un hôte courtois, soucieux du confort et du bien-être de ses visiteurs. Il était d’une jovialité remarquable et se plaisait à jouer des tours à ses amis. Sous son administration, le Battle’s House a été le plus important et le plus chic hôtel de la région pendant de nombreuses années. L’hôtel a été agrandi considérablement et l’on pouvait y recevoir jusqu’à 350 personnes pour des banquets en diverses occasions.

Barney Sloane, vers 1925

Portrait en pied de Barney Sloan, vers 1925. (Photographe inconnu. coll. SHM)

Barney Sloan était un bon administrateur et un commerçant avisé. Il était connu et apprécié par tous. On ne lui a jamais connu d’ennemis. On dit qu’il était impliqué dans sa communauté et qu’il a joué un rôle significatif dans le développement économique de Magog, même si, à cause de son métier, il n’a jamais participé activement à la politique municipale ou autre. Il prend sa retraite en 1930 et décède le 19 février 1939, à l’âge de 64 ans. Ses petites-filles, Louise, Pamela et Wendy Gaunt habitent toujours à Magog. Le Battle’s House a été rasé par un violent incendie tôt le matin du 15 juillet 1944, alors que quelques 80 personnes y séjournaient. Il y eut une seule perte de vie, M. Percy Wagland, ainsi que six blessés. L’hôtel appartenait alors à Delphis P. Goyette, et Paul Mercier en assumait la gérance. Une tentative de reconstruction a débuté, mais seules les fondations ont été coulées et ont pu être observées pendant de nombreuses années, jusqu’à ce que MacDonald’s s’en porte acquéreur.

Maurice Langlois

À cette période de l’année, les autorités responsables de la santé publique incitent certains groupes de citoyens à se faire vacciner contre l’influenza. Cette année plus que jamais, avec le spectre d’une épidémie possible de grippe aviaire, le souvenir de la célèbre, mais meurtrière, « grippe espagnole » nous revient. Cette pandémie a sévi à l’échelle mondiale en 1918-1919, vers la toute fin de la Première Guerre mondiale et a fait entre 20 et 40 millions de morts à travers le monde, soit plus que la guerre elle-même. D’après les historiens, c’est à tort qu’on l’a appelée grippe espagnole, car elle n’a pas débuté en Espagne. Il semble que les premiers cas sont survenus d’abord en Chine (à Canton), puis en France et en Allemagne, mais l’Espagne, durement éprouvée, serait le premier pays à l’avoir déclaré publiquement.

Le fléau est entré au Canada en juin 1918, vraisemblablement par bateaux transportant des soldats revenant du front. Il a progressé lentement jusqu’à son arrivée dans les Cantons-de-l’Est, à Victoriaville, le 15 septembre, date officielle du début de l’épidémie au Québec. Le 25 septembre, plus de 400 Sherbrookois sont atteints et le 28, elle sévit à la grandeur du pays.

Quoique relativement épargnée, Magog n’y échappe pas. Parmi leurs recommandations, les autorités gouvernementales demandent que l’on évite les foules, les rassemblements et manifestations publiques et que l’on ferme les bars, théâtres, salons de quilles, écoles, etc. On recommande aussi de fermer les églises. Les temples protestants ferment dès le 5 octobre, mais l’Église catholique hésite à exempter ses fidèles de leurs devoirs religieux. Mgr H.O. Chalifoux, évêque auxiliaire du diocèse de Sherbrooke, accepte finalement, mais seulement pour le dimanche 13 octobre. Le même jour, le Magogois John O. Donigan, inscrit ce qui suit dans la bible familiale : «Today, for the first time in our recollection, we have had no mass at the church. This is on account of an epidemic of Spanish Grippe which is world-wide just now and many deaths are reported from all parts ». Le Bureau central d’hygiène ordonne aux autorités religieuses de fermer les églises. Elles n’ouvriront que le 10 novembre, la veille de l’armistice qui marque la fin du conflit. S’agit-il d’une simple coïncidence?

À Magog, où la population n’est que de quelque 5 000 habitants, il n’y a que quatre médecins : les docteurs G.A. Bowen, E.-C. Cabana, I.A. Guertin et John West. Les seules pharmacies sont la pharmacie Béique (le Dr Béique est décédé) et celle du docteur West (pharmacie Rexall). Pharmaciens et médecins, à court de moyens pour combattre efficacement la maladie, sont débordés et les heures de travail sont longues. Le 3 octobre, le docteur Cabana présente au conseil de ville un projet d’avis à afficher, indiquant les moyens à prendre pour éviter la maladie; il n’y a pas d’hôpital à Magog et la majorité des malades sont gardés chez eux. Les maisons qui abritent des personnes atteintes sont « placardées », indiquant qu’on ne doit pas y entrer. Les Hospitalières de La Crèche, avec l’autorisation du curé Brassard, transforment les classes et la salle de récréation en « hôpital » pour y recevoir les plus atteints.

La Crèche

La Crèche (photographe inconnu, fonds Studio RC, coll. SHM)

 

Le mois d’octobre s’avère de loin le plus meurtrier. Plusieurs familles perdent 2 ou 3 membres que l’on doit enterrer rapidement, sans même passer par l’église, pour éviter la contagion. Les statistiques publiées plus tard par le Conseil supérieur de l’hygiène indiqueront qu’en octobre seulement, on a enregistré à Magog 45 décès et à Sherbrooke plus de 250. Au total, dans les Cantons-de-l’Est il y en a eu 2 146!

En novembre, l’épidémie perd de l’ampleur et les mesures prises par les autorités municipales et les médecins semblent donner de bons résultats. Les écoles, les églises et autres lieux publics peuvent rouvrir leurs portes. Il y aura bien dans la région d’autres cas de grippe avec décès, mais l’épidémie est à toutes fins pratiques terminée et la vie reprend progressivement son cours normal à Magog comme ailleurs.

Devant l’imminence d’une épidémie de grippe aviaire, il ne faut cependant pas paniquer. D’abord, nous ne sommes pas en état de guerre. De plus, l’hygiène et les conditions de vie ont bien évolué depuis 1918: il y a moins de pauvreté et de promiscuité, l’alimentation et la santé de la population se sont considérablement améliorées. La cause de cette maladie est maintenant connue et les moyens de la prévenir et de la traiter sont nombreux. Les autorités responsables de la santé à travers le monde sont en état d’alerte, ce qui n’était pas le cas il y a 90 ans. Pour le moment, il nous suffit d’appliquer les mesures élémentaires d’une saine hygiène.

Maurice Langlois

Un généreux Presbytérien converti au Catholicisme, a habité le chemin des Pères.

David Shaw Ramsay est né à Edimbourg, Écosse, le 21 avril 1825, du mariage de David Ramsay et de Helen Shaw. Il est baptisé selon le rite de l’Église presbytérienne. Il a 2 frères et une sœur.

Ayant perdu son père alors qu’il a un an, il poursuit ses études sous la responsabilité d’un tuteur, d’abord à St. Andrews, en Écosse, ensuite à Manchester en Angleterre puis à l’Université d’Édimbourg. Il est ensuite envoyé au Canada par sa mère pour deux années, pendant lesquelles il demeure chez M. Primeaux (sic), curé de Varennes, au Québec. En 1847, sa mère achète pour lui la « Seigneurie de Ramesay », dont le manoir est situé à proximité du village de St-Hugues, au nord de St-Hyacinthe. Cette seigneurie avait été concédée, le 17 octobre 1710, au Sieur Claude de Ramesay, gouverneur de Trois-Rivières et de Montréal, par le Marquis de Vaudreuil, gouverneur général de la Nouvelle-France (aucun lien de parenté n’existe entre Mgr Ramsay et ce Claude de Ramesay).

Entre 1847 et 1857, David sert dans la milice et son temps est partagé entre le Canada et l’Angleterre. À son retour au Canada, il fait une courte incursion en politique, aux élections de 1857. Candidat conservateur dans Bagot, il est défait. Au cours de ses stages chez le curé de Varennes, et sans qu’il ait subi « ni influence ni direction », il se convertit au catholicisme, en octobre 1859. Il est reçu dans l’Église catholique par le Chanoine Fabre dans le couvent des soeurs de la Providence à Montréal et est confirmé par Mgr Prince, au couvent des sœurs de la Présentation, à St-Hyacinthe.

En février 1861, il se découvre une vocation sacerdotale. Après une retraite faite sous la direction des Jésuites au Collège Ste-Marie de Montréal, sa vocation sacerdotale ne fait plus aucun doute. À la suite d’études à Montréal, au Collège Pio de Rome et en Angleterre, il est ordonné prêtre par Mgr Joseph LaRocque, évêque de St-Hyacinthe, en octobre 1867. À partir de ce moment, il fera du ministère tantôt à Montréal, tantôt en Angleterre.

À Montréal, il joua un rôle très important dans la réforme des institutions pénales, notamment de l’École de réforme pour les jeunes. Le résultat de ses interventions fut que deux projets, portant sur cette question et désignés comme les « Écoles de réformes et industrielles », devinrent loi. Les enfants, auparavant envoyés à la prison commune, iront désormais à l’École de réforme de St-Vincent-de-Paul ou dans différentes maisons de communautés religieuses mieux adaptées à leurs besoins. En 1872, Mgr Bourget fait revenir Ramsay d’Angleterre et lui confie l’École de réforme, où certains problèmes nécessitent son intervention. Une fois ce travail accompli, il reprend son ministère, tantôt au Canada, tantôt en Angleterre et en Écosse.

En 1881, l’admiration qu’il a pour la Société de Jésus s’intensifie et il décide d’entrer au noviciat des Pères Jésuites en Angleterre. Son frère, le juge Thomas Kennedy Ramsay de Montréal, décède célibataire, à St-Hugues, en décembre 1886. David, qui fait du ministère à South Sheilds, en Angleterre, doit revenir au Canada, y rejoindre sa sœur Wilhelmine, également célibataire. Il a maintenant 60 ans et éprouve le besoin de mener une vie un peu plus calme.

C’est en 1891 que David Ramsay arrive dans les Cantons de l’Est. Il achète alors la ferme St. Margarets, sur le chemin d’Austin (aujourd’hui chemin des Pères). Avec sa sœur, il habite à temps partiel cette ferme qui aura environ 400 acres, suite à l’acquisition de trois autres fermes voisines. L’hiver, tous deux retournent dans les « vieux pays ». Alfred Viens et sa famille sont responsables de l’exploitation de la ferme. Ils y gardent des chevaux, vaches à lait, à viande, moutons, volailles, etc. Les produits de la ferme, c.-à-d. lait, beurre, fromage, œufs, volailles, bœufs, maïs, fruits et légumes variés, sont vendus à Magog.

Maintenant qu’il a sa résidence principale près de Magog, David Ramsay désire quitter l’archidiocèse de Montréal et demande à être rattaché au diocèse de Sherbrooke, ce qui lui est accordé par Mgr Fabre, le 12 avril 1896. Sur la recommandation de l’évêque de Sherbrooke, Mgr Paul LaRocque, le Saint-Siège le nomme prélat domestique en 1896 et protonotaire apostolique le 12 mai 1897.

Déjà en 1892, l’évêque du diocèse de Sherbrooke, Mgr Antoine Racine, avait tenté de promouvoir la fondation d’un monastère dans son diocèse. À cette fin, il était entré en contact avec Mgr Ramsay et de longues négociations s’en suivirent. Ramsay offrait gratuitement sa ferme aux Bénédictins de France, moyennant une rente viagère à lui être versée, d’un montant d’environ 280 $ à 320 $ par année, basée sur la valeur estimée de sa propriété. Les longues absences de Mgr Ramsay et le décès de Mgr Racine, en 1893, mettent un terme aux discussions. De plus, comme la situation des communautés religieuses de France semble s’améliorer, le projet n’a pas de suite. Paul LaRoque, le successeur de Mgr Racine, reprendra les négociations avec les Bénédictins, qui implanteront leur monastère à Austin, en 1912.

Mgr Ramsay décède subitement à Montréal le 23 février 1906 et il est inhumé dans la crypte de la cathédrale de Montréal. Dans son testament, rédigé au Collège canadien à Rome, Italie, le 4 mars 1896, Mgr Ramsay fait don de « tous ses biens meubles dans ce Township de Magog », dont sa ferme de quelque 400 acres de terre, à la Corporation épiscopale du diocèse de Sherbrooke, à certaines conditions, dont l’une : « que les revenus soient utilisés à des fins éducationnelles du diocèse de Sherbrooke ». C’est grâce à ce don que « La Crèche » de Magog, (garderie-école-orphelinat-hospice), a pu être construite par son ami le curé Charles-Édouard Milette, en 1907. En octobre 1907, les Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus, arrivées à Newport, au Vermont en 1905, prennent possession de l’institution. En 1939, la Crèche est convertie et devient l’hôpital La Providence. L’initiative en revient au curé Léon Bouhier et aux Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus, qui fêtent cette année le centenaire de leur présence à Magog.

La résidence de David Shaw Ramsay, avec sa chapelle, située au 793 chemin des Pères, est actuellement occupée par Le Château de verre enr., de Lucie Poirier et Jean-Michel Lopez, verrier d’art. Depuis l’an 2000, la grange de cette ferme est devenue le Centre d’Art, d’Artisanat et d’Antiquités Les Trésors de la Grange, mis sur pied et administré par Mme Françoise T. Lavoie.

Maurice Langlois