La présence de deux candidats suffit habituellement à convaincre ceux qui songent à briguer la mairie de Magog d’oublier temporairement leur ambition. De fait, il faut remonter à 1982 avant d’assister à la dernière course impliquant trois candidats (Antonio Lacasse, Laurent Girard, Ross Bennett). Les « luttes à 3 » ont également constitué des exceptions à Omerville (1961, 1971, 1987) et surtout dans le Canton de Magog où il n’y a eu trois aspirants dans l’arène qu’à une occasion, soit en 1987 (Rosaire Fillion, Théophane Bélanger, Roger Renaud).
Il faut dire que le système actuel, permettant aux Magogois d’élire leur maire directement, n’existe que depuis les années 1910. On ne peut tout de même s’empêcher de constater qu’entre 1914 et 1946, une seule élection, celle de 1930, est contestée par trois candidats. La norme, à part les victoires par acclamation d’Alfred L’Archevêque (1918) et de Lazare Gingras (1940), ce sont les confrontations « mano a mano », parfois entre deux francophones, mais souvent aussi entre un francophone et un anglophone, mettant à l’épreuve la pratique de «l’alternance linguistique» à la mairie qui prend fin au cours des années 1930.
De toute évidence, on ne se bat pas au portillon pour occuper la mairie. Pas plus que pour les postes de conseillers d’ailleurs puisque, toujours entre 1914 et 1946, on assiste à 31 courses à deux candidats, 1 lutte à trois et… 70 victoires par acclamation.
Puis, en 1948, le vent tourne. La présence de quatre aspirants à la mairie (Maurice Théroux, Ernest Simard, Gaston Viens, Pierre Thomas), une première à Magog, donne le ton à la période la plus mouvementée de notre histoire politique locale. Sur les sept scrutins tenus entre 1948 et 1964, seul celui de 1953 oppose moins de trois candidats. Même les postes d’échevins sont davantage convoités, comme en 1953 dans le quartier 4 – entre les rues Sherbrooke et Hall – alors que cinq aspirants sont sur les rangs. Habitués de prendre le plancher pour un tango, les politiciens doivent maintenant se mettre à la danse de ligne !
Cet engouement soudain soulève différentes hypothèses. Quelques thèmes chauds, comme la vente possible du réseau électrique à l’entreprise privée, suscitent des débats. Mais dans le cas de la mairie, les élections à plusieurs candidats s’expliquent surtout par la présence perpétuelle sur les bulletins de vote de deux incontournables de la politique magogoise, deux passionnés qui auraient probablement brigué la mairie indépendamment des enjeux : Maurice Théroux et Ernest Simard. Ce dernier est en lice lors de 7 des 8 élections tenues entre 1946 et 1964, alors que Théroux, en route vers une séquence inégalée – et inégalable – de 14 candidatures consécutives, est de tous les scrutins.
On remarque à cet égard qu’avec le retrait de la vie politique de Simard et d’Ovila Bergeron, au cours des années 1960, prend fin cette série d’élections à trois ou quatre candidats. Cette situation ne se présentera de nouveau qu’en 1982, puis en 2009.
Ironiquement, c’est pendant cette période que les salaires versés aux élus, dont celui du maire – 500 $ au début du siècle, 1 500 $ à partir de 1951 et près de 10 000 $ en 1982 – , connaissent leur croissance la plus soutenue. Plusieurs pensaient que cette majoration, qui permet notamment de répondre à l’impératif d’un « maire à temps plein », serait de nature à favoriser un plus grand nombre de candidatures. Comme on a pu le constater au cours des 30 dernières années, il semble toutefois que ce n’est qu’un des facteurs qui peuvent inciter des Magogois à entrer, ou non, dans l’arène politique.
Serge Gaudreau