En 1929, les marchés boursiers ne sont pas à la portée des ouvriers du textile ou des commis de magasins qui font 9 $ par semaine. Aussi, on peut supposer que peu de Magogois sont affectés par la panique boursière du mois d’octobre.
Mais lorsque le ralentissement de l’économie atteint le secteur industriel, personne n’est épargné. Les premiers signes du marasme se manifestent au début de 1930. En mai, le pharmacien Rodolphe Éthier reconnaît que « les choses sont très tranquilles depuis quelques mois ». Dans les semaines qui suivent, le maire Colin MacPherson écrit au ministre des Travaux publics pour lui faire part de ses inquiétudes. Compter 300 chômeurs de plus qu’à l’habitude dans une ville de 6 000 habitants, c’est assez pour crier au loup.
Avec un budget d’environ 140 000 $, l’administration municipale se retrouve vite à court de ressources. Pour aider les sans-emplois, les gouvernements instaurent les Secours directs et financent des programmes de travaux publics. Pour 1 $ par jour, parfois moins, les chômeurs réparent des routes comme la 1, entre Magog et Granby, installent des égouts, érigent des murs de soutènement à la pointe Merry ou défrichent des terrains au parc du Mont-Orford, fondé en 1938.
Y a-t-il assez d’ouvrage pour tous ? Bien sûr que non. Mais grâce à un relèvement des tarifs douaniers sur le textile, la Dominion Textile évite le pire. Après une période pendant laquelle elles n’offrent que 3 ou 4 jours de travail par semaine, la filature et l’imprimerie retrouvent leur élan et prennent même de l’expansion. En 1935, plus de 1 500 personnes y gagnent leur vie. Le mot se répand. Enviable par rapport à celle d’autres villes du Québec, la situation magogoise attire les chômeurs de l’extérieur. Ce qui ne plaît pas toujours aux locaux qui voudraient qu’on pense d’abord à eux.
Magog n’a pas été épargnée par la crise. Mais à l’exception de quelques ralentissements (1930-1933, 1938-1939), le bilan de la décennie reste étonnamment positif. La population passe de 6 302 à 9 034 habitants et la situation financière de la Ville se bonifie, avec une dette et un taux de taxation à la baisse par rapport à 1929. Pas si mal pour une crise ! D’autant plus que les rues et le système d’égouts sont améliorés au cours de cette période qui laissera également en héritage aux Magogois des bâtisses comme l’aréna de la rue Sherbrooke, le collège Sainte-Marguerite et l’hôpital La Providence.
Serge Gaudreau