Le défi d’attirer des touristes, de les divertir et de les faire revenir à Magog ne date pas d’hier. Il prend une nouvelle dimension après la Deuxième Guerre mondiale. Avec la prolifération des voitures, l’amélioration du réseau routier et l’augmentation du pouvoir d’achat des familles québécoises, l’industrie touristique offre en effet des perspectives de plus en plus intéressantes.
Les charmes de la région magogoise sont déjà connus dans la province. Mais au niveau des activités récréatives, l’agenda reste timide. Même s’ils satisfont les besoins de la population, les événements mis sur pied par les organismes magogois n’ont, pour la plupart, qu’un rayonnement local.
En août 1955, la traversée du lac Memphrémagog par Billy Connor laisse entrevoir des possibilités. Le commanditaire de l’épreuve, Euclide Langlois, exprime à la presse le vœu que l’on en fasse une compétition annuelle qui : «…apporterait sans doute une publicité considérable à Magog et aux Cantons de l’Est en général. » Mais l’idée restera lettre morte.
En janvier 1957, une nouvelle initiative voit le jour. Un intervenant actif de la communauté magogoise, Ernest Pouliot, de la brasserie Brading, est au centre d’un projet de course automobile pour le moins original. Il s’agit d’une épreuve individuelle de deux milles, avec obstacles, qui sera disputée en février sur la surface glacée qui recouvre le Memphrémagog.
Une campagne de promotion est entreprise, dont la publication d’une annonce publicitaire dans La Tribune, qui sert à aguicher les amateurs de sensations fortes. Des hommes d’affaires locaux – Arthur Charron (Café Central), Jacques Boisvert (assurances), André Morency (auberge La Lanterne), M. Brandt (motel Cabana) – s’impliquent également afin d’assurer le succès de l’événement. La manœuvre porte fruits.
Le 24 février 1957, des milliers de personnes envahissent le lac pour voir la course. Pris de court par la procession de voitures qui s’étend de l’hôtel des Quatre fourches, sur la route 1, au site de la compétition, les organisateurs retardent même l’épreuve afin que tous puissent y assister. Emballé par ce qu’il voit, un journaliste évalue la foule à plus de 10 000, voire 20 000 curieux, un attroupement qui oblige les policiers à «faire le trafic» afin de décongestionner le secteur.
Mais pas besoin d’eux sur le Memphrémagog où les 33 coureurs inscrits s’en donnent à cœur joie sur la piste entretenue par Émilien Dodier. Les «bolides» du garage Doré volent la vedette alors que deux Magogois, Léo Corriveau et Fernand Gagnon, finissent respectivement premier et deuxième au volant d’une Plymouth 1957 et d’une Dodge 1956. Le temps de 1 minute 52 secondes et 3/10 de Corriveau lui vaut 350 $ et le trophée Brading, deux récompenses qui lui sont remises le soir même lors d’une soirée qui se déroule à La Lanterne.
Voiture gagnante et trophée de la course sur le lac en 1957 (Photographe inconnu, coll. SHM)
Le héros du jour a de quoi célébrer. De même pour les organisateurs, sans doute ravis par cette foule considérable. Mais cette lourde charge sur le lac suscite aussi des appréhensions. L’épreuve ne sera donc pas répétée. Et s’il y aura bien d’autres courses dans les années à venir, dont des régates pendant la saison estivale, Magog devra encore patienter avant de voir un événement sportif annuel d’envergure s’implanter de façon durable.
Serge Gaudreau