Une date inscrite sur un édifice patrimonial peut être trompeuse pour l’observateur qui ne dispose pas d’informations historiques additionnelles. Tel est le cas pour le « 1912 » inscrit sur la façade du centre communautaire de Magog, rue Merry N. Avant de devenir centre communautaire en 1974, cet imposant édifice était le Couvent St-Patrice de Magog, de son vrai nom Couvent du Sacré-Cœur, qui avait reçu le titre honorifique d’Académie du Sacré-Cœur, en 1914, sous la responsabilité des Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus (FCSCJ) depuis 1909.
Selon un document d’archives des annales de la Congrégation des Sœurs de Ste-Croix et des Sept-Douleurs (Soeurs de Ste-Croix), cinq religieuses de cette communauté arrivaient à Magog le 22 août 1885 pour enseigner aux filles et aux garçons, dans l’ancien collège, construit en 1885 et déménagé sur la rue du Collège, vers 1918.
En 1891, les Soeurs de Ste-Croix prennent la direction d’une plus grande école érigée par la Commission scolaire sur le site de la première chapelle catholique, pour séparer les filles des garçons, et les religieuses habiteront l’ancien presbytère. Aujourd’hui, cette construction constitue la partie centrale de l’édifice du centre communautaire donnant sur la rue St-Patrice. Vers 1893, les frères du Sacré-Cœur arrivent à Magog et prennent en charge l’enseignement des garçons.
Dix ans plus tard, les locaux du couvent sont insuffisants et un agrandissement s’impose. La construction d’un nouveau couvent commence le 1er avril 1902 et le mobilier est déménagé le 24 août 1903, pour l’ouverture des classes en septembre. Les sœurs de Ste-Croix enseignent aux filles à la satisfaction de toutes les instances concernées, y compris la population.
En 1907, les FCSCJ arrivent à Magog pour prendre la direction de La Crèche, ancêtre de l’hôpital La Providence. On avait d’abord offert aux Soeurs de Ste-Croix d’en prendre la responsabilité, mais elles avaient refusé parce que « leur fin unique était l’éducation de la jeunesse ». La population étant dans l’impossibilité de supporter deux communautés, les FCSCJ prennent possession du couvent en septembre 1909, et les Soeurs de Ste-Croix quittent Magog avec regret.
Trois ans plus tard, soit en 1912 (date inscrite sur le bâtiment), un autre agrandissement s’impose pour recevoir les 280 élèves, dont 12 pensionnaires. À cette fin, le bâtiment existant est soulevé et déménagé vers l’arrière (ouest) pour permettre d’agrandir par en avant. Dans une lettre à Mgr Paul LaRocque, une religieuse décrit avec précision l’opération de « mouvage » qui aurait mobilisé 16 travailleurs et duré 12 jours, pendant lesquels certaines classes ont continué : « Dans la maison nous ressentions quelques secousses, il y a eu quelques plafonds qui se sont fendus, mais rien absolument rien n’a bougé; pas une statue, pas une seule pièce de vaisselle n’a été renversée, le St-Sacrement a voyagé avec nous ».
En 1915, trois cents élèves, dont quarante pensionnaires, fréquentent l’Académie du Sacré-Cœur.
En 1944, un projet de construction ajoute une aile vers le sud (vers l’ancienne bibliothèque) pour une vaste salle de récréation et sept classes additionnelles. Quelques années plus tard (1947-1949), on procède à une restauration de l’ancienne partie pour en arriver au bâtiment tel qu’il existe aujourd’hui. En 1948, 76 certificats d’études sont décernés aux finissantes et le cours Lettres-sciences obtient de brillants succès.
Suite à la révolution tranquille des années 1960, et les exigences du nouveau Ministère de l’éducation, la vocation de cette institution d’enseignement est modifiée et ferme ses portes avec l’ouverture de La Ruche en 1974.
C’est donc en plusieurs phases que le Centre communautaire a été construit et le « 1912 » ne réfère qu’à la construction de la partie avant de l’édifice, qui a 100 ans cette année.
Maurice Langlois