Désacralisation du plus ancien cimetière de Magog

Il est universellement reconnu que les cimetières font partie de notre patrimoine collectif et qu’ils commandent le plus grand respect. Ils constituent à la fois des musées et des livres d’histoire qui racontent le passé d’une région et son peuplement. Leur pérennité est essentielle pour reconnaître et rendre hommage à ceux qui, les premiers, ont défriché et habité une région. Ils sont aussi d’une importance capitale pour les historiens et les généalogistes. Dans le seul comté de Stanstead, l’on en a répertorié plus de cent, dont plusieurs sont en voie de disparition, conséquence du manque d’entretien.

Le premier cimetière de l’Outlet, aujourd’hui Magog, avait été aménagé à l’arrière de l’Église évangélique (Union Church), construite vers 1830 sur la rue Merry Sud (# civique 112). Au début de l’Outlet, ce temple (Meeting House ouMitaine, pour les francophones) était utilisé par plusieurs dénominations protestantes, mais depuis plusieurs décennies, il est occupé par l’Église évangélique (baptiste) de Magog.

C’est à l’arrière de cette église que furent enterrés les membres des familles pionnières de Magog, dont les Merry, Johnson, Turner, Chamberlin, Moore, Currier, etc. C’est la famille Turner, propriétaire d’un vaste domaine à cet endroit, qui aurait cédé le terrain pour y aménager l’église et le cimetière. La Maison Turner, construite vers 1850, est située au 133, rue Merry Sud et fait partie du « Circuit patrimonial de l’Outlet ».

Au moment de l’aménagement du cimetière protestant de la rue des Pins à la fin des années 1870, Ralph Merry V (1809-1887), l’un de ses promoteurs, y a transféré les restes d’au moins 13 membres de sa famille. Au cours des années, ce lieu sacré a été négligé et, en 1977, la communauté Évangélique de Magog a commencé à l’utiliser comme stationnement.

Mme Kathleen (Kay) Milne (1911-2001), de regrettée mémoire, a alors tenté de soulever l’opinion publique afin d’éviter la désacralisation de l’endroit, malheureusement avec peu de résultats. Elle a cependant fait transporter au cimetière protestant de la rue des Pins, les pierres les mieux conservées et encore lisibles. Plus récemment, ce cimetière de la rue Merry Sud a été recouvert d’asphalte sans considération ni respect pour ceux qui « l’habitent » encore. À ce jour, aucune tentative d’identifier l’endroit comme lieu sacré historique n’a été faite par les membres de la communauté qui l’occupe, tel qu’ils en avaient manifesté l’intention en 2007. Une exhumation des restes serait difficile, sinon impossible après de si nombreuses années, mais d’autres solutions existent, telle que l’érection d’un monument permanent pour identifier l’endroit. Les inhumations les plus récentes semblent dater des années 1930.

Des associations, dont la Quebec Anglophone Heritage Network (QAHN) et plus récemment, l’Écomusée de l’Au-Delà, des associations sans but lucratif, se consacrent à la promotion et à la préservation des lieux de sépultures et du patrimoine funéraire du Québec. Une publication récente (2008) a mis en évidence au moins 19 cimetières dans la petite municipalité d’Austin, et ce nombre augmentera probablement.

Dans la municipalité de Magog, outre les deux grands cimetières catholique et protestant de la rue des Pins, il en existe plusieurs autres de moindre envergure, mais non moins importants en raison de leur ancienneté et de leur intérêt historique (Union Chuch Burying Ground, Oliver, Ives, Currier, Peasley, etc.).

Le patrimoine québécois est composé d’une multitude de biens qui témoignent de notre histoire et de notre identité, ressource qui doit être transmise de génération en génération. Conformément à la Loi sur les biens culturels, depuis 1986 les municipalités peuvent intervenir par le mécanisme de « citation de monuments historiques et la constitution de sites du patrimoine », qui incluent les cimetières situés sur son territoire. Faudrait-il envisager d’y recourir?

Maurice Langlois