Difficile à croire aujourd’hui mais, au moment où Magog devient une ville, en 1888, c’est le Parti conservateur qui domine la scène politique canadienne. Vainqueur de six élections consécutives, dont deux par acclamation, Charles C. Colby est alors le seul député à avoir représenté le comté de Stanstead à la Chambre des communes depuis la Confédération.
À cette époque, les Magogois sont eux aussi rangés derrière le parti de John A. MacDonald. Enfin, ceux de qui on sollicite l’opinion. Malgré les réformes de 1875, la plupart des citoyens sont en effet évincés du processus électoral. En oubliant les femmes, les moins de 21 ans –ils constituent 55% de la population !- et ceux dont les biens ou les revenus ne s’élèvent pas au-delà d’un seuil fixé par la loi, on estime que 1 personne sur 5 est autorisée à voter. Lors de l’élection fédérale de 1891, par exemple, seulement 229 des 2 100 Magogois se prévalent de ce droit.
Les Bleus ont des racines profondes à Magog. Leur politique protectionniste, à l’origine de la venue du textile, a stimulé la croissance de la ville. De plus, une personnalité locale, l’homme d’affaires Alvin H. Moore, est candidat à trois reprises entre 1896 et 1908. Appuyé dans son château fort, l’ex-maire de Magog l’est toutefois beaucoup moins dans le reste du comté. Conséquence : il ne remplira qu’un seul mandat à Ottawa, entre 1896 et 1900.
Du bleu au rouge
Les Conservateurs restent majoritaires à Magog jusqu’en 1908. L’élan nationaliste du début du siècle et la popularité du premier ministre Wilfrid Laurier, particulièrement auprès des francophones qui constituent 70 % de la population magogoise, font par la suite pencher la balance du côté des Libéraux. Ce vent robuste gagne encore en vélocité en 1917 alors que Laurier s’oppose à la conscription, mesure qui n’a pas la faveur des Canadiens français.
Entre 1908 et 1940, Magog n’en a que pour les Rouges dont elle supporte les candidats à neuf reprises. En 1930, le mécontentement suscité par la crise économique pousse Stanstead et le pays dans les bras des Conservateurs. Fidèles à leur tradition libérale, les Magogois refusent d’emboîter le pas. Il ne s’agit d’ailleurs que d’un flirt. Dès 1935, le comté renoue son histoire d’amour avec le parti de William L. Mackenzie King. Il faudra attendre la guerre, et l’avènement du Bloc populaire, avant de voir cette union compromise à nouveau. Après le bleu et le rouge, la palette électorale du comté va prendre de nouvelles couleurs.
Serge Gaudreau
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