Actualité historique

John Donigan, Gerry Roy, Rouville Beaudry et Henry Chamberland - Fonds Joseph Ouellette. La Société d'histoire de Magog
John Donigan, Gerry Roy, Rouville Beaudry et Henry Chamberland – Fonds Joseph Ouellette. La Société d’histoire de Magog

Certains n’ont pas hésité à qualifier d’historiques les élections provinciales du 26 mars 2007. L’avenir nous dira si leur jugement était sûr. Les épithètes racoleuses, lancées dans la frénésie du moment, perdent souvent de leur pertinence avec le temps.

Peu de gens se risqueraient cependant à contester le caractère historique des élections provinciales du 17 août 1936. Installés au pouvoir depuis près de 40 ans, un record inégalé, les libéraux sentent alors souffler sur eux un robuste vent de changement. Une nouvelle formation, l’Union nationale, dirigée par Maurice Duplessis, menace en effet de faire basculer la province au bleu pour la première fois depuis le début du siècle.

Parlementaire d’expérience, habile stratège, Duplessis a réussi à canaliser le mécontentement des Québécois et à faire l’union des forces opposées aux libéraux au sein de l’Union nationale.

Les Magogois n’ont pas attendu la création de ce parti pour exprimer leur grogne. Lors des élections précédentes, le 25 novembre 1935, ils ont accordé une forte majorité à Rouville Beaudry, le candidat de l’Action libérale nationale, une formation dissidente du Parti libéral. Celui-ci a remporté le comté de Stanstead par 323 voix contre Alfred-Joseph Bissonnet, en poste depuis 1913. Il faut dire que Beaudry, un commerçant de 31 ans établi sur la rue Principale, est un des rares Magogois à avoir brigué les suffrages d’une formation majeure sur la scène provinciale depuis la Confédération. Ce qui a sans aucun doute favorisé son succès.

Passé sous la bannière de l’Union nationale à sa création, en 1936, Beaudry espère répéter son exploit à l’été 1936 alors que les libéraux, ébranlés par l’enquête sur les comptes publics et le départ de Louis-Alexandre Taschereau, déclenchent de nouvelles élections. Cette fois, on sort l’artillerie lourde. Le 29 juillet, le chef de l’opposition, Maurice Duplessis, se rend à Magog pour participer à une assemblée publique qui se déroule à l’aréna de la rue Sherbrooke. Préalablement, Duplessis avait paradé en voiture dans les rues de la ville avec Beaudry. Parti de la résidence de ce dernier, le cortège est accompagné par la fanfare Memphrémagog qui divertit les foules sur son passage.

Les Rouges ne baissent pas les bras. Le 13 août 1936, c’est à leur tour d’accueillir en grande pompe leur nouveau chef, Adélard Godbout, à l’aréna. Les deux chefs des principales formations politiques à Magog en l’espace de deux semaines : le phénomène, qui est plutôt rare, démontre bien que libéraux et unionistes croient dans leurs chances de remporter Stanstead.

Le verdict tombe le 17 août. La victoire des Bleus est complète. Bien appuyé à Magog, Beaudry remporte Stanstead par 515 voix alors que l’Union nationale met fin à la dynastie libérale en enlevant 76 des 90 sièges en jeu à l’Assemblée législative. Bref, une vague en bonne et due forme!

Une page d’histoire se tourne. Mais pas un chapitre. En 1938, Rouville Beaudry, mécontent, quitte ses fonctions. Puis, en 1939, les libéraux reprennent la circonscription et la province. Temporairement apaisé, le vent qui a porté l’Union nationale au pouvoir se transforme en brise qui laisse un moment présager sa disparition. Un jugement prématuré qui, comme bien d’autres en politique, ne survivra pas à l’épreuve du temps.

Serge Gaudreau

Tous en conviendront : les Magogois ne l’ont pas eu facile en 2006. Cela dit, il ne faut pas croire que les doutes et les difficultés économiques ne sont que le lot de notre époque. Ceux qui habitaient notre ville en 1908, par exemple, en auraient certainement des vertes et des pas mûres à nous raconter à ce sujet. L’année commence d’abord avec une triste nouvelle. Le 8 février 1908, la population est ébranlée par le décès du curé de Saint-Patrice, Charles-Édouard Milette. Établi à Magog depuis plus d’un quart de siècle, Milette, qui n’avait que 54 ans, était vraisemblablement le personnage le plus en vue de la communauté. Ses funérailles, qui sont célébrées le 12 février, donnent lieu à un déploiement sans précédent. Près de 1000 personnes assistent à l’événement ! Les écoles, les commerces et même les usines de textile sont fermées pour l’occasion, un hommage qui témoigne de l’importance de ce curé au sein de la société magogoise.

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Curé Millette - Funérailles 1908
Funérailles du curé Charles-Édouard Millette devant l’église Saint-Patrice, le 12 février 1908.

Son successeur, François–Xavier Brassard, arrive dans un contexte miné. En effet, depuis quelque temps, les affaires roulent au ralenti à Magog. Rien pour aider : l’imprimerie de la Dominion Textile (DT), qui emploie 377 personnes, arrête même ses opérations en mars afin de moderniser sa machinerie. L’initiative s’avérera profitable à long terme. Mais pour le moment, elle porte un dur coup à l’économie locale. Sur une population d’environ 3600 habitants, l’absence de ces 377 salaires cause un vide significatif. De plus, ne perdons pas de vue qu’en 1908 le « filet social », expression qui aurait suscité bien des interrogations à l’époque, a des mailles plutôt espacées. Les interventions gouvernementales étant inexistantes, les sans-emploi ne peuvent compter que sur eux-mêmes ou sur leurs proches pour subvenir à leurs besoins. Problème auquel les commerçants, qui ne peuvent faire crédit éternellement, sont aussi confrontés. Et on n’a encore rien vu. Un bras de fer entre la DT et la Fédération des ouvriers textiles du Canada, le syndicat représentant les travailleurs de la filature, dégénère en un conflit de travail qui paralyse les usines du 11 mai au début de juin. Plus de 925 ouvriers sont affectés directement, soit le quart de toute la population!

Forces de l\'ordre Dominion Textile, grève
Les forces de l’ordre à la Dominion Textile, lors de la grève.

La grève, qui se termine à l’avantage de la DT, prend fin dans un climat de tensions. Ce dénouement alimente le doute qui perdure. Pour plusieurs ouvriers amers, ce n’est que partie remise. Mais pour d’autres, c’est le signal qu’il vaudrait peut-être mieux aller voir ailleurs pour assurer leur avenir. Le problème c’est que l’alternative la plus prisée au XIXe siècle, le départ pour les filatures de la Nouvelle-Angleterre, a perdu de son attrait. Loin d’être rose, la situation là-bas s’est nettement détériorée. Les Magogois ne sont pas non plus au bout de leurs peines. D’autres modernisations, à l’été, entraînent une autre fermeture de l’imprimerie. Puis voilà qu’un automne sec, un peu comme celui qu’on avait connu en 1903, laisse planer la menace d’une interruption de la production aux usines, faute d’énergie. Lorsque cette perspective se précise, en décembre, Magog vit de nouveau au ralenti. Pour reprendre le mot d’un témoin de l’époque, le commerce y est « dull ». Décidément, il est temps que cette année noire finisse. De fait, en mars 1909, la presse laisse sentir que les affaires reprennent. Comme l’indique un autre conflit qui survient dans le textile en mai 1909, la page n’est pas entièrement tournée. Mais petit à petit, les choses se stabilisent. Bientôt, 1908 ne laissera derrière elle que des souvenirs. Plusieurs sont mauvais. Mais pas tous, si l’on considère que l’année prend fin avec l’ouverture d’un nouveau pont, net comme un sou neuf, sur la rue Merry, et celle d’un imposant Bureau de poste qui s’élève maintenant au coin des rues Principale et des Pins. Il est temps de se tourner vers l’avenir.

Serge Gaudreau

Ce n’est pas d’hier que l’on organise des compétitions sportives sur les cours d’eau des Cantons de l’Est. Dans le livre qu’il consacre au Lac Magog, Bernard Genest fait état, par exemple, des régates qui s’y déroulent devant des foules imposantes, et ce dès le XIXe siècle.

La natation est également populaire auprès des Estriens qui semblent cependant apprécier davantage son volet récréatif que compétitif. De fait, si l’on en croit ses organisateurs, il semblerait que la première épreuve d’envergure tenue dans notre région n’a lieu que le dimanche 21 juillet 1935 à Wright’s Beach (aujourd’hui Southière-sur-le-Lac). Une affirmation qu’il faut peut-être prendre avec un grain de sel.

Robert Larochelle, un nageur professionnel responsable de la course, aide d’ailleurs à mousser l’événement dans la presse. Prétendant qu’il aurait enseigné la natation à plusieurs célébrités de l’époque – Maurice Chevalier, Tom Mix, Will Rogers, etc. – , il présente comme le championnat des Cantons de l’Est la compétition qu’il est à mettre sur pied, avec l’accord du propriétaire de la plage, Jim Broadbent.

Wright\'s Beach, vers 1935
La plage de Wright’s Beach vers 1938 – Fonds Arthur A. Ling. La Société d’histoire de Magog

Larochelle réussit à attirer une dizaine de compétiteurs, tous originaires du Québec. La publicité, notamment une pleine page dans La Tribune, aide à faire déplacer les curieux. On évalue à 4 000 le nombre de spectateurs qui, en dépit d’un temps incertain, assistent à la course le 21 juillet 1935. Malgré les conditions climatiques difficiles, dix nageurs sont au départ à 15 h 20 min. On compte parmi eux des athlètes aguerris, dont le vainqueur, le Montréalais Tom Parks, qui couvre la distance de 5 milles (8 kilomètres) en 3 heures 6 minutes. Parks devance son plus proche rival, le Québécois J.A. Lachance, par environ 8 minutes. Ces performances plutôt modestes s’expliquent en partie par le vent turbulent qui secoue le Memphrémagog, provoquant des vagues qui sapent le travail des nageurs.

Les efforts du vainqueur sont récompensés par une bourse de 50 $, alors que Larochelle partage un autre 50 $ entre les trois nageurs qui le suivent. Qualifié de succès par un journaliste présent, l’événement semble destiné à une réédition. Mais ce ne sera pas le cas.

Personne ne se risquera à organiser une autre compétition de natation d’envergure sur les rives de Wright’s Beach. Ce sera toutefois une autre histoire avec les régates qui, elles, reviendront à un rythme régulier. Celles que les Chevaliers de Colomb présentent dans le cadre de leur pique-nique annuel, le mois suivant, connaissent un grand succès. Puis, en 1938 et 1939, on aménage même des estrades pour satisfaire les spectateurs qui se déplacent par milliers pour assister aux épreuves qui sont commentées par deux annonceurs de Montréal : Bill Brosseau (CKAC) et Frank Starr (CFCF).

Serge Gaudreau

En 1956, le milieu médical de Magog vit des moments difficiles. En effet, à la suite de son expulsion et de la perte de ses privilèges hospitaliers, un médecin chirurgien, récemment établi à Magog, est la bougie d’allumage d’un mouvement populaire ayant pour objectif la construction d’un second hôpital.

Lazare Gingras est élu par acclamation

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Lazare Gingras

On pardonnera aux Magogois de ne pas se souvenir de la dernière fois que leur maire a été élu par acclamation. Après tout, le 1er février 1940, ce n’est pas hier !  Et puis les élections par acclamation, moins fréquentes au cours des dernières décennies, survenaient sur une base plus régulière à cette époque. Entre 1914 et 1948, on constate qu’en moyenne, quatre des six postes de conseillers en jeu sont comblés sans opposition. En 1914, seul Georges Rolland, dans le quartier 3, gagne son siège après une lutte électorale. En 1924, le conseil est même entièrement renouvelé sans qu’un seul bulletin de vote ne soit déposé dans les urnes !  Faut-il y voir une satisfaction profonde des électeurs magogois ?  Une marque d’indifférence à l’endroit de la politique municipale ?  En tout cas, les Magogois ne sont pas les seuls à choisir leurs élus de cette façon. Le même phénomène se produit en effet de façon récurrente dans le canton de Magog.  Les plus vieux se surviendront par exemple que le maire Edgar Bournival, en poste de 1957 à 1975, a remporté 8 de ses 9 victoires par acclamation.  À Magog, la coutume veut toutefois que plus d’un candidat soit au départ des courses à la mairie.  Depuis que les électeurs peuvent voter directement pour leur maire, en 1914, il n’est arrivé qu’à deux reprises, que le premier magistrat soit élu sans opposition.  La première survient le 21 janvier 1918, alors que Alfred L’Archevêque obtient un troisième mandat sans livrer bataille. Vingt-deux ans plus tard, le 1er février 1940, c’est au tour de Lazare Gingras de recevoir la même marque d’estime.  Un passionné de politique ce Lazare Gingras !Défait par Armand Boutin dans le quartier 5, en 1926, ce commerçant de la rue Principale, dont l’établissement est situé devant la filature de la Dominion Textile, revient à la charge en 1934 et est élu dans ce même quartier 5 contre Joseph D’Arcy.

En 1936, Gingras a les yeux sur la mairie.  Battu par Laurent Degré, un autre commerçant, il ne se laisse pas décourager.  Après avoir patienté pendant deux ans – durée des mandats à l’époque –, sa ténacité l’honore le 1er février 1938 alors qu’il remporte une victoire écrasante sur Étienne Potvin.  Les 807 votes que le gagnant récolte constituent à ce moment un record, ce qui est d’autant plus inusité que Gingras habite le « bas de la ville », un secteur qui a été rarement représenté à la mairie depuis la fondation de la ville, en 1888.

Lazare Gingras et camelots
Lazare Gingras en face de son commerce sur la rue Principale, en compagnie des camelots du journal “La Patrie” dont il était le distributeur à Magog,

Le mandat s’avère mouvementé.  Aux prises avec les derniers soubresauts de la crise économique, Magog connaît une poussée de chômage inquiétante.  Pour l’enrayer, le maire Gingras, un personnage haut en couleur qui n’a pas la langue dans sa poche, se rend régulièrement à Québec.  Il n’hésite pas non plus à faire des déclarations fracassantes afin d’inciter les gouvernements à financer des travaux pour les chômeurs, comme ceux qui permettent l’érection des murs de soutènement autour de la pointe Merry.  C’est finalement la relance de l’économie, engendrée par le déclenchement de la guerre en Europe, qui enrayera le problème du chômage à Magog.  Les citoyens semblent néanmoins apprécier les efforts de leur maire.  Le 1er février 1940, ils le confirment à nouveau dans ses fonctions, cette fois par acclamation.

Ce second mandat est sur le point de se terminer lorsque, le 3 décembre 1941, Lazare Gingras meurt subitement d’une crise cardiaque. Il avait 57 ans.  Il n’était jamais arrivé qu’un maire de Magog décède pendant l’exercice de ses fonctions.  L’événement est souligné de façon particulière.  La dépouille du défunt est exposée en chapelle ardente dans la salle du conseil de l’ancien hôtel de ville, situé lui aussi à l’angle des rues Sherbrooke et Principale.  Puis, le jour des funérailles, un cortège formé de dignitaires et de citoyens accompagne le maire jusqu’à son dernier repos.  Le 9 décembre, Pierre A. Thomas est choisi par les conseillers pour lui succéder.  L’héritage de Lazare Gingras ne se limite pas aux réalisations effectuées au cours de ses mandats.  On peut supposer que son amour de la politique a influencé l’un de ses neveux, Ernest Simard, qui deviendra à son tour maire en 1950.  Quant à sa passion pour les affaires, Lazare l’a transmise à son fils Édouard.  Ce dernier fonde au cours des années 50 les Enchères Stanley.  Cette entreprise de la rue Saint-Patrice Est sera par la suite dirigée par ses fils Léonce et Bernard, puis par son petit-fils Michel.  La contribution de Lazare Gingras à la politique magogoise est soulignée par le nom d’une rue de la paroisse Sainte-Marguerite qui borde le terrain appartenant à la C.S. Brooks.
Serge Gaudreau
C'est à l'Hotel Park House qu'ont eu lieu les mises en nomination et les élections dans le Canton de Magog à partir des années 1870.
C’est à l’Hotel Park House qu’ont eu lieu les mises en nomination et les élections dans le Canton de Magog à partir des années 1870 – Fond Studio RC. Société d’histoire de Magog.
Ce n’est pas l’anniversaire qui a fait couler le plus d’encre. Mais mine de rien, c’est cet été, plus exactement le 1er août, que Magog « célébre » ses 161 ans de démocratie municipale. C’est en effet l’année de sa création, en 1855, que la municipalité du Township (canton) de Magog, un territoire issu en 1849 de la fusion d’une partie des Townships de Bolton et de Hatley, tenait ses premières élections. Le processus, on s’en doute, différait quelque peu de celui que nous connaissons aujourd’hui.

Il y a d’abord les critères fixés pour le droit de vote et d’éligibilité aux postes électifs. Selon l’Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada, qui définit les règles à respecter, seuls les hommes d’âge adulte – 21 ans et plus – , sujets de Sa Majesté, et qui sont propriétaires ou locataires, peuvent voter ou poser leur candidature aux postes de conseillers. Il est donc plausible de croire que, sur les 800 habitants que compte le canton à ce moment, 100 à 200, tout au plus, participent à l’élection du 1er août 1855.

Selon la coutume, le vote, qui commence à 10 heures du matin, se fait publiquement. Les électeurs se prononcent soit en levant la main, soit en se rendant d’un côté de la salle identifié à l’un des candidats. Une fois les polls fermés, à 17 heures, les résultats sont compilés et les sept hommes ayant obtenu le plus de votes forment le conseil.

Reflet de l’identité magogoise au milieu du XIXe siècle, les sept premiers élus sont des anglophones, en majorité des cultivateurs. Il s’agit de Colbe Abbott jr., Asa Hoyt, Samuel Hoyt jr., Thomas L. Hoyt, Benjamin H. Ives, Abial B. Johnson et E.D. Newton. Quelques jours plus tard, ils se réunissent afin de choisir celui qui exercera la fonction de maire. Samuel Hoyt jr., un quadragénaire qui possède une scierie sur le côté sud de la rivière Magog, près du pont Merry, hérite alors du poste.

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Cette photo représenterait le premier maire du Township de Magog, Samuel Hoyt jr. accompagné de son épouse – Le Reflet. Société d’histoire de Magog

Une tradition est née. Elle connaîtra une multitude de changements au fil des ans. En 1888, par exemple, le village de Magog devient une municipalité autonome, indépendante du reste du canton. En février 1914, le maire y est élu directement par les électeurs pour la première fois. En plus de cette « course à la mairie », remportée par Alfred L’Archevêque, le scrutin de 1914 est marqué par deux autres premières : le vote secret, sur un bulletin de papier, et la division de Magog en six quartiers électoraux.

Lentement, mais sûrement, la mécanique électorale municipale prend une forme qui se rapproche de celle que nous connaissons aujourd’hui.

Serge Gaudreau

Fin d’une époque sur la rue Dollard

Lorsque la Deuxième Guerre mondiale se termine, en 1945, les modèles d’entrepreneurs canadiens-français sont encore rares à Magog où la Dominion Textile domine la structure industrielle de la tête et des épaules. Cela n’empêche pas le jeune René Patenaude, la vingtaine à peine entamée, de se lancer en 1948 dans l’aventure de la Magog Packing. L’expérience acquise à bosser au Marché DeLuxe et au Marché Lorenzo Hamel sert à merveille Patenaude dont la compagnie, devenue la Federal Packing en 1953, emploie 70 personnes au milieu des années 50.

Le maire de Magog à lépoque, Maurice Theroux, lors duune visite à la Dominion Textile. Fonds Joseph Ouellette. La Société dhistoire de Magog
Le maire de Magog à l’époque, Maurice Théroux, lors d’une visite à la Dominion Textile – Fonds Joseph Ouellette. La Société d’histoire de Magog

Oubliez les marmottes ou la fonte des neiges. En 1960, c’est le règlement de la grève à la Dominion Textile, le 15 février, qui annonce aux Magogois la fin officielle de l’hiver. Un printemps hâtif ? Peut-être. Mais quel hiver ce fut ! Depuis que les 2 000 employés de la filature et de l’imprimerie ont entrepris leur arrêt de travail, le 27 septembre 1959, plus de cinq mois et demi se sont écoulés.

Unique par sa longueur, cette épreuve de force se distingue également par la stratégie de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) qui décide de laisser le travail continuer dans les autres usines de DT et de faire porter le fardeau du conflit sur les épaules des Magogois. Puisque l’on entrevoit une entente rapide, l’effort ne devrait pasêtre trop pénible. Malheureusement, le conflit perdure.

La CTCC déploie une importante logistique. Des comités–patrouilles, nourriture, pancartes, etc.- sont formés et des cabanes de piquetage érigées, fermant l’accès aux usines. De plus, 25 000$ sont acheminés à Magog sur une base hebdomadaire, ce qui permet aux grévistes de toucher environ 10$ par semaine, plus 1$ par enfant à charge. Ils restent néanmoins bien à court des 45$ qu’ils touchent en moyenne à la DT.

Et cinq mois, c’est une éternité. Privés de 2 000 chèques de paye, les 225 établissements commerciaux de la ville sont aux abois. L’endettement devient la norme, poussant les marchands à demander au gouvernement provincial d’intervenir afin de précipiter un règlement.

On voit ici des piqueteurs qui prennent une pause le temps d'une partie de carte durant une grève à la Dominion Textile - Fonds Jacques Boisvert. La Société d'histoire de Magog
Des piqueteurs prennent une pause le temps d’une partie de carte durant une grève à la Dominion Textile – Fonds Jacques Boisvert. La Société d’histoire de Magog

Malgré cela, la communauté reste sensible à la situation des grévistes. Le curé de Sainte-Marguerite, Origène Vel, leur accorde son soutien. La maire, Maurice Théroux, refuse de laisser la police provinciale venir à Magog. Et, le 19 décembre, les commerçants organisent une magnifique parade du père Noël à l’intention de plus de 2 000 enfants touchés par le conflit. Des cadeaux d’une valeur de 6 000$ sont distribués, dont une quantité innombrable de poupées ou de bâtons de hockey.

Sur son passage, le père Noël omet de descendre dans les cheminées de la DT. Il faut attendre le 15 février avant que la médiation du ministre du Travail Antonio Barrette, devenu entre-temps premier ministre du Québec, ne permette la conclusion d’une entente. À peine plus généreuse pour les Magogois que pour les autres ouvriers de la DT qui n’ont pas fait la grève, elle en laisse plusieurs sur leur appétit. Mais règle générale, le soulagement règne. L’interminable hiver est enfin chose du passé.

Serge Gaudreau

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Le Canada a les yeux rivés sur le comté de Stanstead le 9 août 1943. Lors d’une élection partielle, cette circonscription exprime haut et fort l’opposition du Québec à la conscription en accordant une forte majorité au candidat du Bloc populaire, Joseph-Armand Choquette. Ce cultivateur de Sainte-Catherine reçoit à nouveau l’appui des Magogois en 1945, mais pas celui du comté qui lui préfère le conservateur John Hackett.

Le 17 septembre 1947, le gouverneur général du Canada, Alexandre de Tunis est de passage à Magog. Il rencontre la population au parc des Braves. Photo de Marston E. Adams - Fonds Famille Merry. La Société d'histoire de Magog
Le 17 septembre 1947, le gouverneur général du Canada, Alexandre de Tunis est de passage à Magog. Il rencontre la population au parc des Braves. Photo de Marston E. Adams – Fonds Famille Merry. La Société d’histoire de Magog

C’est une des rares fois où Magog ne suit pas la tendance nationale. De 1949 à 1972, notre ville joue en effet le rôle de baromètre. Au libéral Louis-Édouard Roberge (1949-1958), succèdent le conservateur René Létourneau (1958-1963) et le libéral Yves Forest (1963-1972), des choix qui reflètent à peu près exactement l’humeur du pays. Cette alternance camoufle une exception : la majorité de plus de 600 voix que les Magogois accordent en 1962 au créditiste Roméo Custeau. Ce vote s’inscrit néanmoins dans une certaine mouvance, le Crédit social ayant fait élire 26 candidats au Québec lors de cette élection.

Entre 1972 et 2004, le Parti libéral règne pendant 24 ans à Ottawa. Mais dans Brome-Missisquoi, nom que porte le comté depuis 1968, les Rouges n’ont pas la partie facile. Les victoires du progressiste-conservateur Heward Grafftey (1972, 1974, 1979) s’inscrivent à contre-courant de la tendance provinciale. Pendant cette période, ce tenace avocat est un des rares torys à représenter un comté du Québec à la Chambre des communes.

Ce dérèglement passager du baromètre prend fin avec l’élection du libéral André Bachand, en 1980, et celles de Gabrielle Bertrand qui brigue les suffrages sous la bannière conservatrice, en 1984 et 1988.

Lorsque les Bleus fléchissent, en 1993, une nouvelle formation, le Bloc québécois, apparaît dans le décor. Surfant sur la vague nationaliste qui déferle sur le Québec, Gaston Péloquin obtient une majorité à Magog et dans Brome-Missisquoi. L’élection partielle qui fait suite à son décès, en 1995, confirme la naissance d’une chaude rivalité politique : malgré sa majorité dans Magog, le Canton de Magog et Omerville, le bloquiste Jean-François Bertrand est défait par le libéral Denis Paradis qui enlève le comté par près de 3 000 votes. Après deux victoires assez faciles en 1997 et 2000, ce dernier est un des seuls libéraux de la région à résister à la poussée bloquiste de 2004. Un siècle après les luttes corsées entre libéraux et conservateurs, c’est encore sur fond de rouge et de bleu que se colore le débat politique à Magog.

Serge Gaudreau

Difficile à croire aujourd’hui mais, au moment où Magog devient une ville, en 1888, c’est le Parti conservateur qui domine la scène politique canadienne. Vainqueur de six élections consécutives, dont deux par acclamation, Charles C. Colby est alors le seul député à avoir représenté le comté de Stanstead à la Chambre des communes depuis la Confédération.

À cette époque, les Magogois sont eux aussi rangés derrière le parti de John A. MacDonald. Enfin, ceux de qui on sollicite l’opinion. Malgré les réformes de 1875, la plupart des citoyens sont en effet évincés du processus électoral. En oubliant les femmes, les moins de 21 ans –ils constituent 55% de la population !- et ceux dont les biens ou les revenus ne s’élèvent pas au-delà d’un seuil fixé par la loi, on estime que 1 personne sur 5 est autorisée à voter. Lors de l’élection fédérale de 1891, par exemple, seulement 229 des 2 100 Magogois se prévalent de ce droit.

Les Bleus ont des racines profondes à Magog. Leur politique protectionniste, à l’origine de la venue du textile, a stimulé la croissance de la ville. De plus, une personnalité locale, l’homme d’affaires Alvin H. Moore, est candidat à trois reprises entre 1896 et 1908. Appuyé dans son château fort, l’ex-maire de Magog l’est toutefois beaucoup moins dans le reste du comté. Conséquence : il ne remplira qu’un seul mandat à Ottawa, entre 1896 et 1900.

Du bleu au rouge
Les Conservateurs restent majoritaires à Magog jusqu’en 1908. L’élan nationaliste du début du siècle et la popularité du premier ministre Wilfrid Laurier, particulièrement auprès des francophones qui constituent 70 % de la population magogoise, font par la suite pencher la balance du côté des Libéraux. Ce vent robuste gagne encore en vélocité en 1917 alors que Laurier s’oppose à la conscription, mesure qui n’a pas la faveur des Canadiens français.

Entre 1908 et 1940, Magog n’en a que pour les Rouges dont elle supporte les candidats à neuf reprises. En 1930, le mécontentement suscité par la crise économique pousse Stanstead et le pays dans les bras des Conservateurs. Fidèles à leur tradition libérale, les Magogois refusent d’emboîter le pas. Il ne s’agit d’ailleurs que d’un flirt. Dès 1935, le comté renoue son histoire d’amour avec le parti de William L. Mackenzie King. Il faudra attendre la guerre, et l’avènement du Bloc populaire, avant de voir cette union compromise à nouveau. Après le bleu et le rouge, la palette électorale du comté va prendre de nouvelles couleurs.

Serge Gaudreau

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